On ne pourra jamais nous enlever le marché et le patrimoine


Plus d’informations sur La Dépèche du 8 janvier 2017

En cette année 2017, une fois par mois, «La Dépêche» invitera un observateur témoin en lui demandant de porter un regard sur Villefranche. Premier rendez-vous avec le plasticien Pierre Prévost.

La ville, elle lui colle au cœul. Plus de 30 ans qu’il vit à sa toute proximité. Qu’il l’entend respirer et inspirer. Expirer aussi. Attaché à cette bastide, le plasticien Pierre Prévost l’est puissance 4. Ce qui ne l’empêche pas de rester lucide lorsqu’il ébauche son état des lieux. Autant dire que la voir souffrir en se vidant de sa substance humaine et commerciale ne l’incite guère à sourire. «J’ai décidé de ne plus guère y venir que le jeudi matin, car c’est le moment où, malgré tout, on y ressent un peu de vie», exprime-t-il. La jouant provoc, juste ce qu’il faut, il opine : «Quand on voit les ronds-points, qui font penser aux cailloux du Petit Poucet, aspirer les consommateurs vers les enseignes commerciales de périphérie, on se dit que les seules choses que la grande distribution ne pourra jamais nous prendre c’est bien le marché paysan, le patrimoine et… la messe du dimanche».

L’idée d’exposer un jour, route de Montauban, ses œuvres «populaires», conçues à partir d’objets hétéroclites de récup, ne l’effleure même pas. À ses yeux, art et patrimoine, à l’instar de celui de Villefranche qui «tient de l’extraordinaire», doivent cheminer de concert.

C’est dans cette logique que durant l’été 2015, il avait accepté d’initier l’opération «Art en vitrines». En exposant de front dans huit commerces vides et fermés, trente-cinq vitrines, devant l’hôtel de ville et dans l’ancien Prisunic, l’artiste a engrangé échanges en prise directe et remarques avec les passants. En considérant que «le patrimoine appartient à tous», lui fait partie de ceux, en citant Rodez et Bilbao, qui estiment que c’est grâce à l’art que nombre de villes ont été sauvées. «Et pourquoi pas Villefranche ? Prenons, Villeneuve avec son musée de la Photo qui à la fois fait vivre le bâti patrimonial et amène du monde… Cela donne en plus envie de restaurer pour s’y installer». Pas question, par contre, pour Pierre Prévost de tirer la couverture à ses seules créations. «Ce que je fais doit être temporaire et doit être enlevé à un moment, car d’autres artistes ne demandent qu’à s’investir… D’autant qu’ici tu as des lieux incroyables comme les quais, la place de la Fontaine, le musée, la place Notre-Dame…» Il se prend à rêver d’un cœur de ville sans voiture. «À condition de permettre à ceux qui veulent y entrer de se garer au plus près autour de la bastide, tout peut se faire à pied sans gorger la cité de véhicules», tranche-t-il.

Pour lui, il ne manque pas grand-chose à Villefranche pour offrir une respiration de survie à son centre. «Si on avait des facs, c’est sûr que la ville vivrait plus… J’espère seulement que les urbanistes ne se poseront pas des questions que sur les seuls puits de lumière remplaçant des bâtisses à l’abandon par des parkings…».

Jean-Paul Couffin